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Voilier Gros JeF : ses voyages dans les Antilles
21 avril 2014

Cargo de nuit retour des BVI

Je voulais rester dans la chronologie pour vous raconter notre retour d'Anegada, mais je pense qu'il faut que j'exprime tout ce que j'ai encore de frayeur pour pouvoir reprendre un récit positif de notre voyage et de vraies vacances.

Aneganda Island View From The Air7 avril au petit matin. Nous sortons d'Anegada à 6 heures car les fonds sont très hauts (2.5 sous la flottaison avec un tirant d'eau de 2.12) et la passe est assez haute aussi. Nous finissons par nous mettre d'accord sur le chemin à prendre car je voulais tirer un grand bord vers le nord d'Anegada pour gagner du cap Bernard voulant faire l'inverse. Il me dit : d'accord, on essaie par le nord, et nous voilà partis. Grosse grosse houle (3 mètres) et vent soutenu aussi on est à 7noeuds sans arrêt. Ca tape, ça creuse, j'avoue ne pas être très à l'aise mais je ne dis rien, c'est mon idée. J'ai même une angoisse inexpliquée avec des idées de sauvetage, je ne cesse de me répéter les manoeuvres (ouvrir le coffre arrière, prendre le radeau, l'attacher, le lancer). Il est facile maintenant de parler de prémonition. Puis après le virement de bord, ça va mieux, peut être que la houle venant de derrière fait paraitre la hauteur moindre. Nous observons les nuages qui reflètent encore la couleur verte du lagon. C'est magnifique. On a un encore un long moment de panique quelques 3 heures plus tard lorsque je vois que le GPS de Bernard ne fonctionne plus. C'est un IPAD et lorsque je l'allume IMG00851-20140412-1050pour regarder où on est, il fait apparaître une fenêtre (que je ne lis pas), je valide sur OK et plus rien, on est au milieu de l'océan et il bloque car j'ai répondu oui, à une mise à jour et pas d'internet. Mon petit GPS vite allumé m'indique qu'on est pas trop loin de Horse Shoe Reef, et on a un fond qui remonte à 14 mètres. La mer hyper clapoteuse nous effraie, quelques casiers nous rappellent que c'est pas un endroit où rester, un coup de moteur on se sort de ce haut fond. On continue à longer le reef mais de plus loin. On retrouve un fond à 45 mètres. On sait qu'on a pour 24 heures de navigation, qu'on n'a pas de pilote automatique et qu'on a du soleil jusqu'à 18h30 et de la lune jusqu'à 1h45 le 8 avril.  On mange un peu (pas assez sans doute mais c'est pas facile), on fait des quarts d'une heure chacun car la barre est dure. Je tiens a faire mes quarts. Celui qui n'est pas de quart essaie de se reposer. Personnellement, j'ai pu m'assoupir environ 10mn sur 2 quarts. On ne rentre pas dans le bateau on reste dans le cockpit.  Tout est sur le même bord, c'est très fatigant car on a toujours la même position. On ne voit pas beaucoup de bateaux, certains partent de Virgin Gorda, d'autres s'y rendent. On mange comme on peut mais on se lasse des biscuits au seigle avec du kiri. La mer est trop dure pour descendre prendre autre chose. Il commence a faire frisquet au coucher du soleil, je suis restée presque toute la journée avec mon ciré et un lycra dessous, car on est sans arrêt arrosés par les vagues. On sort une couverture, les polaires, les lampes torches, et un gilet de sauvetage pour faire un coussin pour la tête. On prend un ris dans la grand voile.

Tout va bien, la lune se couche vers 2h, on sait qu'il nous reste encore 3h30 de navigation de nuit avec une arrivée à 7h du matin. On estime qu'il est temps de virer vers Saint Martin, nos calculs s'avèrent bons. Il est 4 heures 10 environ quand Bernard me sort de ma léthargie : "c'est un cargo ou quoi" ?  Je me lève, et voit une masse immense noir foncé sur fond noir clair qui fonce sur notre babord arrière à environ 30mètres. Je hurle, ça arrive hyper vite, je vois le devant du cargo, la proue arrondie au dessus de nous, et les deux vagues d'étrave blanches. Je continue de hurler, pourquoi il continue, pourquoi il vire pas, pourquoi il ne m'entend pas ? Bernard lofe, vire comme il peut, le génois reste bordé à contre ce qui stoppe le voilier, et il me hurle de lâcher l'écoute de génois babord. J'enlève vite la manivelle de winch et lâche l'écoute, le génois bat, je ne peux reprendre sur tribord car l'écoute tribord est sortie et vole au vent, J'entends Bernard me dire, ça passe ! Nous sommes poussés par la vague de l'étrave, le feu de notre mât éclaire son nom : "North Con" quelque chose, mais je n'ai vu qu'une partie du nom comme le feu est à 17m50 de haut, cela nous met un cargo d'environ 25 mètres de haut à l'étrave puisque le nom était écrit sur son avant et environ 100 à 150 mètres de long. Nous sommes restés comme deux pantins à le regarder passer sur toute sa longueur. Nous sommes passés à environ 5mètres et le feu de mat à 2mètres maximum. Ce cargo n'est qu'une idée pour illustrer. Le "notre" était peint en marron rouge classique et comme il naviguait à 10 noeuds environ, il y avait une vague de chaque côté. Sur le GPS on voit la boucle que nous avons faite pour l'éviter on pense que sa direction était plein est. On a vu sa petite lumière de poupe s'éloigner.

Les leçons qu'on en tire :

on pense toujours à la collision de face (rocher, autre bateau) mais pas de côté ou de la poupe. Si on avait eu un bateau endommagé sur l'arrière il aurait été difficile voire impossible de prendre le radeau de survie et les gilets de sauvetage. Quant aux fusées elles étaient à l'intérieur, bien rangées, la VHF aussi, le bateau fermé pour éviter de se prendre des vagues à l'intérieur. Un gilet de sauvetage en mauvais état pour deux les autres bien rangés dans le coffre arrière. On pense que les cargos sont bien éclairés mais non on l'avait sans doute pris pour un pêcheur car nous étions à 8 milles de Saint Marteen. Les loupiottes sont difficilement identifiables. On n'avait rien de préparé pour quitter le navire correctement. Au niveau des manoeuvres de pont, heureusement que la couverture ne s'est pas emmêlée dans l'écoute de génois. Enlever systématiquement les manivelles de winch pour faciliter les manoeuvres extrêmes, et coincer l'écoute opposée pour éviter qu'elle ne se dévide complètement.

IMG00853-20140412-1111

On était tellement effrayés qu'on n'a pas pensé à appeler la VHF pour signaler que ce cargo n'avait personne en veille au radar s'il en avait un en état de fonctionner. J'ai lu en tapant sur google "voilier contre cargo" qu'un voilier avait été coulé. Le propriétaire avait appelé par la VHF, a été secouru par un hélico a pu retrouver trois mois après le supertanker incriminé. Je voudrais juste avoir la photo de notre cargo.

Les achats que nous avons fait à Saint Marteen : un pilote automatique car la fatigue à la barre est difficile à gérer après de nombreuses heures de navigation, deux gilets de sauvetage à porter en permanence (très légers et gonflables), un sac étanche et flottant "abandonne ton navire" que j'ai rempli déjà (avec du kiri et des snacks au seigle) il manque juste la pharmacie. Les achats que nous prévoyons : un radar et peut être un AIS.

Merci à Maman pour ses appels de plus en plus angoissés ce jour là. Nous n'aurons la possibilité de les écouter qu'à notre retour à terre après quelques heures de sommeil bien méritées. Pourquoi t'es tu inquiétée ce jour là et pas les autres ? J'ai gardé tes messages pour les faire écouter à nos proches, c'est édifiant. Une mère reste une mère même si loin (en km). Il faut qu'on trouve aussi une solutions pour tenir au courant les proches car c'est difficile de rester en contact entre les messages sms qui n'arrivent pas et les mails qui s'évaporent. Blanche a pensé qu'on avait eu une attaque de pirates tout en sachant que cela n'arrive pas chez nous.

Cette expérience m'a marquée à vie et va changer je pense beaucoup de choses. Mais c'est vrai que c'est un cauchemar et qu'on a eu beaucoup de chance. Pas une égratignure, pas une rayure sur le cargo (il aurait pu exiger qu'on le repeigne)...

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Commentaires
A
Très effrayée moi aussi et sans vous connaître !!!<br /> <br /> <br /> <br /> Ma soeur a ressenti une panique incontrôlable alors qu'elle était tranquillement dans son appartement à Aix en Provence. Au même moment son fils avait un accident de voiture près de Lille. La voiture était pliée en accordéon mais il s'en est sorti avec des égratinures. Ce doit être l'instinct maternel ...
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M
Les mères ont des "antennes": elles sentent à distance si "quelque chose ne tourne pas rond" pour leurs enfants. Cela se manifeste par une angoisse soudaine indéfinissable, un "flash", que sais- je encore ....Ouf, vous vous en êtes bien sortis. Quand je reverrai Blanche, je parie qu'elle m'en parlera. <br /> <br /> Bonnes navigations à suivre....
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G
J'en suis encore toute "estranssée" comme disent les personnages de Pagnol à Marseille ! Je plaisante parce que je sais que vous êtes saufs... Mais quelle chance vous avez eue ! <br /> <br /> J'ai TOUT lu et relu du sauvetage du Gros JeF depuis le début<br /> <br /> Bonne nuit<br /> <br /> Gwen la Bourlingueuse... votre Mom
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